Ghana : capitaliser sur la croissance, intégrer le genre pour une résilience économique durable
Le rapport d’analyse de genre sur la gestion des risques de catastrophes (GRC) au Ghana révèle un défi majeur : malgré une économie en croissance et des ambitions d’émergence, le financement de la GRC reste << limité et principalement axé sur la réponse », avec une intégration du genre encore insuffisante. Le pays, fortement exposé aux chocs climatiques, voit la résilience de ses communautés, particulièrement celle des femmes, fragilisée par cette approche réactive. Cet article, s’appuyant sur les évidences du rapport et les dynamiques économiques ghanéennes, propose une architecture de financement intégrée pour faire de la politique genre un levier stratégique de la GRC, assurant une croissance plus inclusive et une résilience économique pérenne.
Diagnostic économique : croissance, dépendance et vulnérabilités de genre
Contexte Macroéconomique : une croissance forte mais une GRC sous-financée
Le Ghana connaît une croissance économique soutenue, principalement tirée par les industries extractives (pétrole, or) et une agriculture diversifiée. Cependant, le pays est très vulnérable aux chocs climatiques (inondations, sécheresses, érosion côtière), qui entraînent des pertes économiques substantielles, estimées à 2,6% du PIB annuel entre 1983 et 2010. Le financement de la GRC est principalement réactif et dépend en grande partie de l’aide des partenaires internationaux. Malgré la reconnaissance de la Budgétisation Sensible au Genre (BSG) et d’un Fonds national pour les catastrophes (NDMF), leur mise en œuvre reste faible et inefficace, sans mécanismes robustes pour intégrer systématiquement le genre.
Contexte microéconomique : les femmes, actrices essentielles mais fragilisées
Les femmes jouent un rôle économique prépondérant au Ghana, dominant l’agriculture de subsistance et le commerce informel (71% d’entre elles y sont actives). Cependant, elles sont confrontées à des obstacles systémiques : accès limité et discriminatoire à la terre, au crédit formel, à la technologie, à l’information climatique et aux prises de décision. Les chocs climatiques et les crises les affectent de manière disproportionnée, détruisant leurs moyens de subsistance, augmentant leur charge de travail non rémunéré et les exposant davantage aux violences. Le rapport souligne la vulnérabilité des ménages dirigés par des femmes et le fait que les mécanismes de soutien existants ne sont pas suffisamment sensibles au genre.
Proposition de solution de financement : institutionnaliser, diversifier, démultiplier
La solution doit capitaliser sur la forte croissance du Ghana pour institutionnaliser le financement du genre dans la GRC, en diversifiant les sources et en démultipliant l’impact au niveau local.
Niveau macroéconomique : un fonds national de résilience actif et une BSG obligatoire
L’objectif est de transformer le Fonds national pour les catastrophes en un véritable levier de résilience inclusive.
Action : opérationnaliser et renforcer le Fonds National pour les Catastrophes (NDMF) avec une Budgétisation Sensible au Genre (BSG) obligatoire.
Principe économique : Transformer le NDMF d’un fonds réactif en un fonds proactif et inclusif, réduisant la dépendance externe et intégrant l’équité comme critère d’efficacité.
Mise en œuvre :
- Doter le NDMF de ressources pérennes : Définir une allocation budgétaire annuelle minimale et garantie par le gouvernement (ex : un pourcentage fixe des revenus miniers ou pétroliers), complétée par des taxes écologiques ou climatiques.
 - Rendre la BSG légalement contraignante : Introduire un amendement législatif obligeant tous les ministères sectoriels (Agriculture, Santé, Genre et Affaires Sociales, GRC) et les assemblées de district à intégrer des indicateurs de genre et des allocations budgétaires spécifiques dans leurs plans GRC, avec des mécanismes de suivi et d’évaluation clairs.
 -  Créer une "Fenêtre de Financement Genre" au sein du NDMF, dédiée au soutien des organisations de femmes et des projets d’autonomisation économique sensible au genre dans la GRC.
Justification économique : Un fonds bien doté et piloté par la BSG réduit le coût des catastrophes (moins de pertes humaines et matérielles, récupération plus rapide) et assure que les dépenses publiques contribuent à réduire les inégalités structurelles, générant un rendement social et économique supérieur à long terme. 
Niveau mésoéconomique : assurances climatiques et partenariats innovants
L’objectif est de mutualiser les risques et de mobiliser le secteur privé et les partenaires au développement.
Action : Développer des Partenariats Public-Privé (PPP) pour l’assurance indicielle agricole et des mécanismes de financement innovants.
Principe économique : L’assurance protège le capital productif des populations vulnérables. Les PPP mobilisent le capital privé et l’expertise.
Mise en œuvre :
- Concevoir et subventionner des produits d’assurance indicielle (basée sur des seuils pluviométriques ou de température) spécifiquement pour les petites exploitantes agricoles. Le gouvernement subventionnerait une partie des primes via le NDMF.
 - Mettre en place des obligations à impact social (SIB) ou des obligations vertes sur les marchés financiers locaux et internationaux, spécifiquement pour financer des projets d’adaptation au changement climatique intégrant une forte dimension genre (ex : infrastructures résilientes, systèmes d’alerte précoce sensibles au genre).
 -  Renforcer la coordination des PTF via une plateforme nationale pour aligner leurs financements sur la stratégie nationale de GRC sensible au genre, passant d’une approche "réactive" à une approche "proactive".
Justification économique : Cela transfère le risque climatique hors des ménages vulnérables, stabilise leurs revenus, attire des capitaux privés vers des investissements verts et résilients, et réduit la pression sur les fonds publics après un choc. 
Niveau microéconomique : renforcer l’autonomie des femmes par le "Cash-Plus" et l’accès au capital
L’objectif est d’autonomiser directement les femmes et de renforcer leur pouvoir économique.
Action : étendre les programmes de transferts monétaires "Cash-Plus" et des micro-crédits adaptés pour les femmes.
Principe économique : Les transferts monétaires offrent une protection sociale essentielle. Le "Cash-Plus" (argent + formation) développe le capital humain. L’accès au crédit stimule l’entrepreneuriat.
Mise en œuvre :
- Déployer des programmes "Cash-Plus-Training" : Des transferts monétaires d’urgence seraient liés à des formations en compétences de gestion d’entreprise, en techniques agricoles résilientes (agroécologie, diversification), en métiers verts ou en digitalisation pour les commerçantes informelles. Le rapport met en avant la nécessité de "former et outiller les femmes".
 - Créer des lignes de micro-crédit "vert et résilient" dédiées aux femmes via des banques rurales ou des institutions de microfinance, avec des conditions favorables (taux d’intérêt bas, flexibilité des remboursements) pour financer des activités économiques durables.
 -  Soutenir les associations et coopératives de femmes : Leur fournir des fonds de démarrage, des formations en leadership et en gestion, et faciliter leur accès aux marchés et aux technologies.
Justification économique : Ces programmes réduisent la pauvreté, augmentent la productivité et la diversification des revenus des femmes, stimulent l’économie locale et renforcent la capacité des ménages à absorber les chocs futurs. 
Conclusion : Le Ghana, Un Modèle de Résilience par l’Intégration du Genre
Le Ghana a l’opportunité unique de capitaliser sur sa trajectoire de croissance pour devenir un leader en matière de GRC sensible au genre en Afrique de l’Ouest. En transformant son Fonds national pour les catastrophes en un outil proactif doté de la BSG, en développant des partenariats innovants pour l’assurance climatique, et en investissant directement dans le capital humain et entrepreneurial des femmes, le pays peut construire une résilience socio-économique durable. L’intégration du genre dans le financement de la GRC n’est pas seulement une question d’équité ; c’est un impératif économique pour garantir une croissance inclusive, stable et pérenne pour tous les Ghanéens.
